Cette étrange bête qu’on appelle l’amour
Tout en elle s’inclinait dans les souvenirs. Qu’ils étaient voraces. Et même dans les rêves grandissait, ce désir, ce désir de le prendre par les bras, de s’y blottir comme s’ils étaient deux tenailles qui la sauveraient d’un naufrage. Le naufrage de l’absence de cet amour dans ce corps, dans cette âme.
Les rêves étaient constants, et si elle se réveillait, elle essayait de le sauver à nouveau, comme si sa propre vie en dépendait. Le visage clair se pressait, où se détachaient les yeux olivâtres, parlant, communiquant des secrets gardés depuis longtemps. Assoiffée, fiévreuse, elle cachait tous ses désirs dans ses yeux fermés ou, tard dans la nuit, quand tout le monde dormait. Le chercher était un courage qui n’était pas permis. Elle a été secouée par la grisaille du quotidien des hommes opprimés. Je le savais quelque part, pas si loin, mais très loin, plus loin que n’importe quel méridien ou ligne de l’équateur. Il a verbalisé le verset à partir de l’inverse du désespoir. Était-ce une illusion de son cœur, dans la constante de la vie, de croire à une réciprocité qui n’existait pas sur le plan matériel ?
L’amour était cahoteux, courbé par l’angoisse de l’existentialisme et apaisé dans les nuits sombres, quand on poussait et séchait ses yeux sur le bord du drap. Vivre, ce n’était pas bouger les bras et opérer avec les cinq sens, faire ceci et cela d’une manière reptilisée et concrète. Vivre, c’était échapper à toutes ces minuties de la vie pour les autres. Elle vivait dans ce rectangle du passé, dans la mémoire des perdus, dans l’absence du corps aimé. Et si vous demandiez à n’importe quel Anxieux, ils vous diraient tous que la souffrance n’est pas inexistante, c’est porter un fardeau, traîner un cadavre qui, contre sa volonté, insiste pour remettre la vie à plus tard, dans un autre ciel, dans une autre dimension, dans une autre fréquence d’onde. Et quand il s’accordait un peu de liberté, c’était toujours pour regarder la mer, sans fermer les yeux, les souvenirs qui avaient déjà été sa matérialisation.
Tout ce à quoi il obéissait, il lui était prêté par les anges, par les ancêtres, un pied devant l’autre et marchait, un bras derrière l’autre et changeait les draps et composait la vie des autres, une main devant l’autre et cuisinait la nourriture qui devenait des repas et des rituels de la vie quotidienne. L’effort n’était pas surhumain. Parce que son humanité le lui permettait. Aimer les autres pour les actions concrètes de nourrir. Et ce n’est qu’en secret, en cachant soigneusement ses rêveries, la passion qu’elle avait pour son amant absent. J’ai senti que je pouvais exister ainsi jusqu’à la fin, quand on n’avait plus besoin de moi dans la vie des autres. quand quatre inconnus s’emparèrent de sa figure et l’ajustèrent à sept pieds au-dessous de la terre. Que même la terre n’a pas pu effacer ce rêve. Les rêves, elle le savait, grandissaient dans l’humus et devenaient plus forts dans la sève et dans l’avance des saisons.
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